Thursday 10 April 2014

My Tariff

French version


Welcome to my blog. It has been on my mind for a while, but I did not think anyone would be interested. I recently realised it did not matter. There are a few things I want to say anyway.

Nowadays, there are not many literary salons around. We have blogs instead.


Do not be fooled. I am no writer. Barely another specimen of my generation, with a bit of specificity.

I certainly have time for a blog. I am unemployed, and a perfect reflexion of my generation, doomed to precariousness and struggle. To me however, this is a very peculiar moment of my up-until-recently achievement-focused life. I can explore activities besides wealth-production, and step back from our well-geared rat-race system. I sometimes experience life-changing break-throughs, other times frightening nervous break-downs. Maybe these experiences were in me before, but I did not have time to pause and feel.

We are the globalised, ever-changing, unstable generation. Our parents had life-long jobs. They bought flats in central parts of towns, got married and had children. Sometimes in their twenties. We have too many degrees, tweets, ex-partners, likes and lease applications. We spend a third of our life browsing the internet in search of how to fill the rest of our time : a new date, a new destination, job, restaurant, gig, trend and dress. Do we enjoy the movement or have we barely learnt to deal with the instability?

It was the reality of economics as much as my own desire which drew me from Paris to London, and from London to Berlin. I told you : such a stereotype. With a twist of Arabic female neurosis, my beloved would say. Not sure it makes me special. Someway or other, all of us Westerners suffer from Oriental neurosis, thanks to our yet unsuspected Eastern cultural subconscious. Did you know tariff comes from Arabic? From taârrif, meaning “the process of becoming a known object”. I discovered that in a beautiful book, Le Voyage des Mots by Alain Rey.

I guess this is what I am doing here in Berlin. Defining my Tariff. Becoming a known object to myself. Attempting to find my worth within myself only. In a society dominated by money values, it is hard to believe that one's worth lies within. It may sound obvious, almost corny, on paper - or shall I say screen. You think it is so obvious? Try it. Leave your driven job and start getting by. Experience the sense of guilt and failure which society constantly attempts to impose upon you. Fight it off and hopelessly repeat to yourself : “my worth is within”. Try if you dare. Take off all your social adornments, and come naked to face your family, your friends, society, mankind. Look at your desires and hopes, your fears and doubts and let them be your ultimate judges. I warn you : do not expect any mercy, they are the most unforgiving of all.

Or else, stay where you are, drink your tea out of that fancy mug, lean back on your newly-acquired sofa and read my blog. I'll tell you all about it.



Traduction en Francais

Mon Tarif

Bienvenue sur mon blog. L'idée me trotte dans la tête depuis un moment, mais j'ai pensé que mes écrits n'intéresseraient personne. Je me suis rendue compte récemment que cela n'avait aucune importance. Il y a des choses que je tiens à dire, dans tous les cas. De nos jours, il n'y a plus beaucoup de salons littéraires. Il y a des blogs.

Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas écrivain. Juste un autre spécimen de ma génération, avec une pincée de spécificité.

Ce qui est certain, c'est que j'ai le temps d'avoir un blog. Je suis au chômage, et donc un reflet parfait de ma génération, condamnée à la précarité et à la galère. Pour moi, cependant, ceci constitue un moment très particulier de ma vie dont l'épicentre était, jusqu'à présent, la recherche du succès et de l'accomplissement. Maintenant je peux faire l'expérience d'activités économiquement non-productives, et prendre de la distance par rapport à notre système si bien huilé de course de rat en cage. Parfois, je vis des moments de clairvoyance bousculants, d'autres fois des crises de nerfs effrayantes. Peut-être ces expériences étaient-elles en moi auparavant, mais je n'avais pas le temps de m'arrêter pour les vivre.

Nous sommes la génération de la globalisation, du mouvement perpétuel et de l'instabilité. Nos parents avaient un travail garanti à vie. Ils achetaient des appartements dans les centres-villes, ils se mariaient et avaient des enfants. Parfois alors qu'ils étaient encore dans la vingtaine. Nous, nous avons trop de diplômes, de tweets, d'ex, de j'aime et de dossiers de location immobilière. Nous passons un tiers de notre vie sur internet à tenter d'en remplir le reste : un nouveau flirt, une nouvelle destination de vacances, un nouveau boulot, resto, concert, mode ou robe. Aimons-nous tant le mouvement, ou avons-nous simplement appris à nous accommoder de l'instabilité qu'on nous lègue?

Ce fut par réalisme économique comme par désire personnel que je déménageai de Paris à Londres, puis de Londres à Berlin. Je vous l'avez dit : je suis vraiment une caricature. Avec un fond d'arômes féminins, arabes et névrosés, dirait mon cher et tendre. Pas sûr que cela me soit particulier. Au fond, nous les Occidentaux souffrons tous de névrose orientale, dont les racines demeurent dans notre inconscient culturel, encore insoupçonné. Saviez-vous que le mot tarif trouve ses origines dans la langue Arabe? De taârrif, qui désigne le procédé par lequel un objet devient connu. J'ai découvert cela dans un très joli livre, le Voyage des Mots d'Alain Rey.

Je suppose que c'est ce que je fais ici, à Berlin. Je définis mon tarif. Je deviens un objet connu par moi-même. Je tente de trouver la source de ma valeur à l'intérieur de moi et à l'intérieur seulement. Dans une société dominée par des valeurs monétaires, il est difficile de croire que la valeur de chacun n'est qu'intérieure. Noir sur blanc, cela peut paraître évident, ou même niais. Si vous trouvez cela niais, donnez-vous à l'expérience. Quittez votre travail et apprenez à survivre. Sentez le sentiment de culpabilité et d'échec que la société tente constamment de vous imposer. Combattez-le, ce sentiment, et répétez-vous désespérément : « ma valeur est en moi». Essayez si vous osez. Otez tous ces ornements sociaux, et venez nu faire face à votre famille, à vos amis, à la société, à l'humanité même. Regardez dans les yeux vos désirs et vos espoirs, vos peurs et vos doutes, et laissez-les être vos juges suprêmes. Je vous préviens : n'attendez d'eux aucune merci, car ils seront des plus impitoyables.

Ou sinon, restez là où vous êtes, à boire votre thé dans votre jolie tasse, adossé sur le canapé que vous venez d'acheter, et lisez mon blog. Je vous raconterai tout.